Les secrets du mont Kôya-san

Je voulais absolument vous raconter l’exceptionnelle fin de semaine qu’on a passé au Kôya-san.

Kôya-san, au plus sacré du bouddhisme

Il y a plusieurs lieux très importants consacrés au bouddhisme au Japon. Qu’on pense aux immenses statues de Bouddha à Kamakura ou à Nara; ou encore le magnifique temple Hôryû-ji fondé par le prince Shôtoku, celui qui a véritablement propagé cette religion au Japon autour de l’an 600.

Quelques deux cents ans après cette entrée réussie sur l’île, le bouddhisme était bien présent au Japon, et il y avait plusieurs écoles et maîtres. En 800, le moine fondateur des premiers temples à l’emplacement de ce qui s’appelle le « mont Kôya » (mais qui est en fait un plateau entre huit montagnes) est le fondateur d’une nouvelle école qu’on appelle « Shingon ». En découvrant ce lieu éloigné dans les montagnes, il imagine une immense fleur de lotus (à huit pétales) qui favoriserait la méditation.
 
Alors il se lance dans ce gigantesque projet, qui ne sera pas terminé de son vivant, mais qui se magnifie au cours du temps (et des reconstructions, à chaque fois que le feu détruit un pavillon, une pagode, un temple).

Admirable pagode Konpon Daito.

Aujourd’hui, on peut résider dans l’une des auberges bouddhistes, tenues par les moines. Après nos trois heures de trajet en autobus à partir de Kyoto, nous avons été magnifiquement accueillis à l’auberge. La dame de la réception était charmante, nous avons pu profiter du bain également (et comme il faisait très froid le soir, autour de 5 degrés, ça nous a fait grand bien!) Le site était également magnifique, remplis de feuilles d’automne. À souligner : la cuisine est exceptionnelle, entièrement végétarienne (les bouddhistes ne consomment pas de viande), vraiment délicieuse. Nous avons adoré les repas du soir et du matin (les deux sont compris dans le prix de la chambre).

Repas du soir après un bon bain chaud, servi directement à la chambre.

Le chemin des femmes, Nyonin michi
 
Le mont Kôya-san a été interdit aux femmes jusqu’en 1904. D’ailleurs, c’était pareil au mont Hiei, protecteur de l’est de Kyoto (le temple Enryaku-ji a été fondé à la même époque, par un collègue du moine fondateur de Kôya-san). Pendant notre randonnée vers le sommet du mont Hiei, en juin dernier, Léo fut bien surpris quand notre amie japonaise lui a expliqué que la vieille structure de pierre tombée au sol disait :
 
« À partir d’ici, le chemin est interdit aux femmes et aux chevaux. »
 
Femmes, chevaux, même affaire : du bétail utilitaire pour servir l’humain, dans le sens « d’homme » vous l’avez compris (comme notre langue française nous le rappelle souvent grâce aux deux sens du mot « homme » qui désigne aussi l’humain, évidemment). Sentez-vous ma « petite » irritation?
 
Surprise : les femmes ont aussi une envie de pitié, semble-t-il. Elles ont donc créé, tout autour du bassin sacré, un parcours de 16 kilomètres, un chemin de pèlerinage. Des lieux étaient réservés pour dormir et prier au cours du trajet (il en reste un qu’on peut visiter). Et on pouvait voir, de loin, ces temples et pagode à lesquels on n’avait pas accès. Ce sont des idées pas si bêtes pour du bétail, hein?
 
On est tombés sur le sentier, grâce au hasard et à la curiosité, péché traditionnellement féminin, tel Pandore ou Ève, on n’est pas une « héroïne » près. Je m’égare… Voici où l’histoire démarre:

Le Daimon, la porte d’entrée du site sacré.

Après avoir atteint l’entrée pour admirer la grande porte, le Daimon, l’entrée officielle du site, Léo est allé faire un tour aux toilettes. Je remarque alors un sentier qui monte, marqué par un torii rouge délavé. Léo revient, il est intrigué également. Sur ma carte, on n’explique pas de ce que c’est, Google ne m’éclaire pas non plus, et il n’y a pas de pancarte à cet endroit sauf une inscription que ça mène au sommet du Benten. Il est 15h, on décide d’aller faire un tour, et, au pire, on pourra revenir sur nos pas. On monte, on monte… Je croise finalement un monsieur et je lui demande : « Mais où va-t-on au juste? » Il m’indique que le chemin se rend au sommet du mont Benten, puis redescend jusqu’au temple des femmes (le Nyonin-dô). Oh, c’est parfait, j’avais justement l’intention de visiter ce pavillon. Alors on s’engage sur le sentier.

Très franchement, ce fut fantastique. Autour du sommet, les points de vue sur les monts Kii se multipliaient. Il n’y avait personne, le sentier était marqué à l’occasion par des vieilles pierres qui guidaient les pèlerins. Sur le mont Benten, un petit sanctuaire marquait les 1000 mètres du lieu, puis on a redescendu jusqu’au temple Nyonin-dô, avant le coucher du soleil. On avait marché deux kilomètres du pèlerinage des femmes (sur 16).
 
On a tellement aimé cela que Léo a voulu faire une autre partie du sentier le lendemain. Je lui ai dit qu’on allait tenter cela…

Les monts Kii, vue au sommet du Benten-daké.

Deuxième partie du sentier des femmes
 
À 6h30, il y a une prière à laquelle nous pouvons assister à l’auberge bouddhiste. Dépaysement garanti pour les néophytes et païens que nous sommes. Les moines prennent le temps, après la prière, d’expliquer le sens de ces sutras et les différents symboles dans la pièce.
 
On a donc pris un délicieux petit déjeuner, on a fermé les sacs à dos, et on est partis visiter le cimetière remplis de vieux cyprès japonais et de mausolées de personnes célèbres de l’histoire japonaise (j’ai apprécié de voir celui de Uesugi Kenshin et Takeda Shingen, face à face, après avoir tant apprécié Le Tigre des Neiges). On s’est rendus au bout du chemin jusqu’à l’Okuno-in où on honore le moine fondateur du site, Kûkai.

L’entrée du cimetière menant au Okuno-in.

Puis on est revenus un peu sur nos pas pour chercher l’entrée d’une autre partie du chemin des femmes… Impossible de trouver (encore une fois, Google n’aide pas du tout, et la carte photographiée hier semblait dire que j’étais tout à fait à la bonne place). On demande finalement de l’aide dans une boutique d’encens. Le jeune homme, super gentil, nous accompagne en souriant et en jasant jusqu’à l’entrée… situé derrière l’immense stationnement des autobus… Jamais je ne l’aurais trouvé toute seule…
 
On a croisé quelques personnes sur le chemin de 3,5 kilomètres, et on s’est rendus ainsi jusqu’au temple Kongô Sanmai-in avant de retourner au village. C’est l’un des temples que j’ai préféré de ma visite, pour sa pagode (la plus vieille encore debout à Kôya-san), et pour ses quatre grands cyprès sacrés, imposants et rassurants tout à la fois.
 
C’est pas mêlant, ce sentier nous a tellement plu qu’on aimerait beaucoup le faire en entier, avec toute la famille cette fois. Un 16 kilomètres, par monts, vallées et cols de montagnes, c’est tentant, non?

Ne négligez pas le Kongô Sanmai-in, superbe temple un peu en retrait.

Autres petites nouvelles

J’étais à l’émission Pénélope le jour de l’Halloween pour parler du concept des générations avec le philosophe Ludvic Moquin-Beaudry et le spécialiste en marketing Jordan LeBel. On a surtout parlé de la génération Alpha, dont mes deux enfants font partie! Très intéressant!

Pour les fans d’histoire, le 22 octobre dernier, jour de fondation de Kyoto en 794, avait lieu le Jidai Matsuri, le festival des Âges. Ça débute avec des participants de l’ère Meiji (1868), puis on recule dans le temps, jusqu’à la fondation de la ville. C’est fascinant de voir ces 2000 gens costumés, sur des chevaux, il y avait un bœuf aussi qui tirait une immense charrette… Vraiment un beau moment! J’ai fait un court vidéo Instagram si vous avez un compte.

Voilà, maintenant, je serai plus sage, après toutes ces prières dans les temples et les forêts de Kôya-san. À moins que… Peut-être pas! 😂

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