Les saintes kairos chauffantes

Il fait 4 degrés la nuit et 9 degrés le jour. D’une semaine complète à 17 degrés, Kyoto est passée d’un coup à ce qu’on appelle ici «&#160l’hiver&#160», c’est-à-dire «&#160l’enfer&#160».

Les gens au Québec me diront que je me plains pour pas grand chose. Mes parents me racontent les -22 et j’ai vu des images de la neige qui s’accumule. Mais les maisons québécoises sont isolées. C’est un concept à peu près inconnu ici.

La maison que nous avons louée est posée directement sur le ciment de la fondation. Le sol est donc glacial (et on s’assoit par terre, sur des petits coussins, pour manger). Les murs et les fenêtres laissent entrer l’air extérieur en courants constants. Le chauffage est en fait l’air climatisé, installé près du plafond. L’air chaud qui en sort reste donc en hauteur, ne venant pas réchauffer les pauvres habitants assis au sol. La toilette est située dans une pièce non chauffée. À chaque fois qu’on ouvre la porte pour s’y rendre, encore plus d’air froid entre dans la pièce «&#160chauffée&#160».

Le matin, quand je me lève avant les autres, il fait donc environ 15 degrés en bas, même si j’ai laissé le «&#160chauffage&#160» allumé toute la nuit. J’utilise un bon vieux truc des résidences universitaires: je fais les toasts et ensuite, je pars le mini-four pour un vingt minutes supplémentaires (sans faire cuire quoi que ce soit, juste pour faire un peu de chaleur). J’arrive à monter la température moyenne à 20 degrés après une heure ou deux (mais au sol, il fait plus froid bien sûr).

Dehors, ça se supporte bien sûr. Mais on est en habits d’automne, étant donné que je n’ai pas apporté nos gros manteaux. On achète donc des kairo, des petites pochettes qui se mettent à chauffer dès qu’on les expose à l’air. Il y a les petites pour les mains, celles pour les souliers, d’autres à coller dans les vêtements. Elles peuvent atteindre 63 degrés, durer une douzaine d’heures. Lorsque mon amie d’Okinawa est venue, elle en a acheté et nous les a laissées. On est devenus des fans! Vive les kairo, petites pochettes bénies remplies de poudre de fer réactives à l’air! Alléluia! En les serrant, j’ai un court moment de soulagement, comme lorsque je serre ma tasse de thé chaude!

On dit que les Japonais ont une tolérance au froid beaucoup plus grande que la nôtre et c’est vrai. Ils sont habitués très jeunes, comme les Islandais d’ailleurs, à sortir moins habillés dans des températures assez fraîches. Le port de l’uniforme dans les écoles contribue au fait qu’on n’a pas le choix de son habit pour affronter la température et qu’on apprend donc à endurer. Mais à voir le nombre d’avertissements derrière les petites pochettes chauffantes, qui peuvent causer de légères brûlures si elles sont appliquées directement sur la peau ou si on dort avec, les Japonais ont froid aussi!

On pourrait profiter d’un kotatsu (une table avec une couverture chauffante), de planchers chauffants (ça existe ici aussi) ou d’une chaufferette (un heater). Ça aiderait! Mais pour les deux semaines qui nous restent, nous n’en ferons pas ces achats.

Deux semaines. C’est tout ce qu’il me reste de cours. Quand je pensais à Noël en arrivant, je me disais que ça prendrait du temps. Mais non, on y est déjà. Et j’aurai bientôt terminé les cours. Je ne serai plus obligé de réviser chaque soir, de taper mes notes, de faire les devoirs, d’aller en classe, de réviser pour les examens… C’est triste. Car je sais que j’aurai beaucoup moins de temps après pour continuer à apprendre le japonais. C’était une période toute particulière que nous ne pourrons pas répéter. Nous en avons profité pleinement, en le sachant très bien.

Les lundis et mercredis, j’ai commencé à rencontrer une amie que j’aide en français, alors qu’elle m’aide en japonais. C’est tellement agréable! Elle a habité au Québec, elle est maître en calligraphie, on s’amuse beaucoup ensemble.

Jeudi dernier, je suis allée à Sonobe (une trentaine de minutes de Kyoto) pour visiter un vignoble. C’était fort intéressant et j’ai posé plein de questions!

Vendredi, nous avons visité le Musée international du manga de Kyoto. J’ai adoré le lieu: une vieille école primaire reconvertie en musée, remplie de mangas qu’on peut lire dans plusieurs langues. Émi et Léo se sont assis et c’était presque la chicane pour les sortir de là! On peut prendre un abonnement mensuel ou annuel car le musée est aussi une bibliothèque. Très bon concept pour les amoureux de ce genre!

En soirée, je suis sortie avec Léo pour revoir des anciennes étudiantes (devenues grandes). Avant de se rendre au restaurant, on a beaucoup marché. La gare de Kyoto est toute illuminée pour Noël: des jets d’eau lumineux avec de la musique, un immense sapin, 15 000 DEL dans les marches… Ensuite, on a mangé des immenses crêpes et Léo a beaucoup ri en jouant avec le cellulaire de Rinka-chan.

Samedi, je suis allée chez la coiffeuse et ensuite au Meet-up organisé par mon amie Akiko. J’ai rencontré deux autres Japonaises et nous avons parlé toute la soirée. C’était très agréable.

Dimanche, nous avons revu Ken-ichi-san, mon assistant japonais dans les cours que je donnais l’an dernier au Centre japonais de Québec. Il vit maintenant près de Nagoya et il est venu passer la journée avec nous. Il connaissait peu Kyoto alors on a servi de guides, visitant le Kitano Tenman-gu avec ses vaches porte-bonheur pour les études (photos pour marraine!) et nous avons fait une longue promenade à Arashiyama pour revoir le Daikaku-ji, découvrir le Gio-ji et marcher jusqu’au pont qui traverse la lune (le Tôgetsu-kyô) éclairé tout spécialement en ce moment. Nous avons mangé des ramens dans une petite échoppe où un vieux couple très gentil nous gâtait… Un beau moment!

Le plus drôle: Léo avait préparé un cadeau pour Ken-ichi-san : un spectacle tout en japonais. Plus tard, en marchant, Philippe parle en français à Ken-ichi et Léo s’étonne: «&#160Hein? Mais il parle français?!&#160» Un petit détail que Léo avait oublié! Après il est passé au français et c’en fut fini des efforts de japonais! 😉

3 réflexions au sujet de “Les saintes kairos chauffantes”

  1. J'étais tombée jadis sur un curieux concept dans mes recherches sur le Japon : les paravents d'hiver (des paravents faits avec des planches épaisses, souvent très joliment peints, mais curieusement massifs et bas). C'est en découvrant que les maisons sont peu isolées que j'ai compris à quoi ils servaient : placés le long des murs, ils bloquent les courants d'air pour les gens assis au sol, mais pas la lumière venues des fenêtres!

    Je suppose qu'avec ça et un kotatsu, ça rendrait les pièces plus confortables! lol!

    Et faut quand même habiter dans un pays aux hivers doux et courts pour se donner le luxe de grelotter en hiver, mais sans adapter les uniformes ou isoler les maisons pour autant! (T'imagine ici? Avec le -20 de ce matin, y'aurait des morts!)

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  2. Ah oui! C'est clair que ce n'est pas la température du Québec. Je trouve notre climat moins difficile à supporter car, au moins, on se réchauffe régulièrement quand on rentre à l'intérieur. Enfin… Cet hiver humide a au moins l'avantage d'avoir endormi les insectes! Leur été brûlant est encore plus insupportable, si tu veux mon avis! 😉

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