Pour un voyage de quatre semaines et demi, avec un enfant, nous avions prévu de faire une seule grande excursion par semaine. Nous avons commencé par le Cercle d’or, puis le Blue Lagoon, et cette semaine, en accord avec la météo, nous voulions visiter le sud de l’Islande. Le plus simple, c’était de louer une voiture. Ce qui ne me réjouissait pas outre mesure, puisqu’une auto, c’est aussi un objet dont il faut prendre soin. Il faut la stationner, la nourrir, la conduire (ce qui est tout de même plus fatigant que de se laisser conduire). Mais cela comporte aussi de grands avantages : on est maîtres de son propre horaire et de son itinéraire. Une amie japonaise a accepté d’embarquer avec nous, ce qui nous a permis de faire un voyage encore plus agréable et de réduire les frais.
Nous sommes donc partis vers le lac Kleifarvatn, profond de 97 mètres. La route pour s’y rendre n’est pas toute asphaltée. Et l’atmosphère des lieux est très étrange : on circule au milieu des montagnes, montant et descendant sur une route bâtie sur un sol volcanique noir, recouvert de mousses vertes. Ce lac bleu qui apparaît entre les montagnes noires et fumantes, agité par un vent violent le jour de notre visite, est fort impressionnant. Seuls au milieu d’un nouveau monde, toujours en création…
Tout près on trouve Seltún, où l’on peut admirer les solfatares, un nouveau mot français que j’ai appris ici : ce sont ces fumées qui s’échappent d’un sol à 100-200 degrés… Le site de Geysir permet d’en admirer de magnifiques, mais Seltún est un site encore plus large, où l’on peut marcher parmi les couleurs créés par le soufre plus longtemps. On entend le bruit de la respiration brûlante de la terre, de la boue qui ronfle, de l’eau qui s’évapore… On marche, littéralement, sur un volcan actif.
Les solfatares de Seltún sont situés dans le village de Krýsuvík. Un panneau discret nous invite à visiter l’ancienne chapelle de Krýsuvík, dont il ne reste que des ruines, puisqu’elle a brûlé en 2010. En fait, il n’y a rien à voir là, sinon faire une belle promenade au milieu des bêê-bêê des véritables habitants du lieu.
C’est l’heure d’un petit repas à Grindavík, dans un restaurant près d’un port de pêche, bien protégé des vagues violentes de l’Atlantique nord. Ça fait drôle de penser que le fameux Blue Lagoon fait partie de cette ville, même si le lagon est situé de l’autre côté des montagnes, éloigné de l’océan.
Plus loin à l’est, on peut visiter un autre champ de solfatares bouillonnantes: Gunnuhver. Ils sont nommés ainsi à cause d’une fantôme agressive Gunna, qui avait envahi la région, voilà 400 ans. Jusqu’à ce qu’un prêtre survienne et l’emprisonne dans le sol. Ce qui explique pourquoi on peut toujours sentir sa fureur : cratères rouges et jaunes, odeur de soufre, usine qui collecte toute cette énergie pour en faire de l’électricité… La région est fertile en chaleur. Et la visite est impressionnante, car les champs sont situés très près de la mer, près du phare des Reykjanes: Reykjanesviti.
Il est possible de s’y rendre à pied. Ce que j’ai proposé, animée par une volonté inébranlable de faire un peu de randonnée. Même si la route de gravier est davantage praticable à pied, puisqu’on peut éviter les trous, avec des vents de 70 km/h et un bébé sur le dos, ce fut quelque chose! Le chemin est entouré de lave figée et de mousses vertes, avec parfois, une vapeur sulfurique qui sort d’entre les fissures du roc… Reykjanesviti est le plus vieux phare d’Islande (1878), au bout de la pointe de la péninsule des Reykjanes.
Il vaut la peine de marcher jusqu’au bout du chemin pour arriver devant les assauts furieux de l’océan. Au loin, on devine l’ile Eldey, le plus important lieu de nidification de 70 000 fous de Bassan. C’est aussi là que fut tué le dernier grand pingouin, qui pouvait atteindre 85 cm, en 1844. Depuis quelques années, une statue de cet oiseau éteint brave les tempêtes de la pointe et garde un œil sur l’île Eldey.
Finalement, le voyage s’est terminé avec le pont qui relie les deux continents. La région étant à l’intersection entre les plaques de l’Amérique et de l’Europe, on a profité d’une petite faille, non loin de l’océan, pour bâtir un pont, assez peu joli. Avouons qu’après avoir vu la plaque européenne s’effondrer, et apercevoir vingt-trois kilomètres plus loin le mur de la plaque américaine, lors de notre visite à Þingvellir, je n’étais pas impressionnée. Surtout que l’être humain étant si petit, j’ai du mal à croire que cette petite fissure est vraiment le lieu de la séparation entre les deux plaques. J’ai plutôt tendance à croire que toute la région entourant ce lieu est la réelle division tectonique: les solfatares de Gunnuhver, le phare Reykjanesviti et le champ de lave alentour. Mais il serait difficile de faire un pont aussi grand…