Les calligraphies des Fleurs du Nord 恩返しする

J’ai commencé à écrire Les Fleurs du Nord en 2001. Publié en 2016, ça m’a pris 15 ans de travail avant de le tenir entre mes mains! C’est donc un monde qui a eu le temps d’être travaillé et retravaillé. Un roman «  durée » est particulièrement plaisant pour le développement des personnages. Comme je les ai eus en mémoire longtemps, je les connais très bien. Je les aime d’amour!

En 2002, le drame de Midori (qu’elle vous racontera elle-même dans les premières pages du roman) et l’histoire qui suivra m’ont inspiré les paroles d’une chanson. Je me souviens l’avoir écrite sur une napkin entre La Malbaie et Montréal, en pleine nuit alors qu’on roulait sur l’autoroute 40 et qu’une aurore boréale était miraculeusement visible! À l’époque, mon japonais n’était pas suffisant pour écrire directement dans cette langue et je l’avais fait traduire. En retournant à Sherbrooke pour ma dernière session universitaire à l’automne, j’avais demandé à Philippe de composer la musique. Notre première chanson, Moshimo, était née!

Il m’a donc paru très naturel d’inclure les paroles de cette chanson dans le roman. J’ai adoré mettre Midori en scène alors qu’elle préparait l’encre et le pinceau pour tracer les caractères de ce poème (pp. 149-150). J’ai donc utilisé une autre de nos chansons, My Love (le titre est en anglais, mais la chanson en japonais), dans une autre partie du roman (pp. 384 et 525). Mon héroïne, Midori, aime l’écriture pour apaiser ses émotions.

Juste avant la parution, en septembre, la deuxième correctrice m’envoie ses propositions et mentionne qu’elle ne peut vérifier le texte en japonais. Sa question en marge: « -ce que quelqu’un l’a fait? » m’a fait réagir. Non, personne n’avait vérifié ces textes depuis leur composition.

J’ai donc écrit un courriel à une amie de Kyoto, avec les textes en pièce jointe, pour lui demander si elle avait le temps de vérifier le japonais. Elle me répond: «  sûr! Puis-je te les envoyer la poste? » J’avais encore un peu de temps pour la révision, alors j’accepte, sans comprendre pourquoi elle avait besoin de m’envoyer les papiers par la poste.

Dix jours plus tard, je reçois une enveloppe. À l’intérieur, il y a les textes imprimés, avec quelques traces rouges. Et surtout, surtout, je trouve sur quatre pages sur papier de riz les textes tracés à la plume par une main experte en calligraphie, celle de mon amie Ryoko Utani. Quelle belle surprise!

J’ai numérisé les papiers. Puis j’ai demandé à mon éditrice s’il était possible de mettre ces calligraphies dans le roman, au lieu des caractères du traitement de texte. J’ai obtenu l’autorisation de Madame Utani. Et Québec Amérique a fait l’impossible, en intégrant à la dernière minute les quatre pages de cette œuvre d’art.

Comment dire « merci » à une si belle attention? Comment « rendre la faveur », un concept qui sonne si bizarre en français, mais qui existe en un seul mot en japonais sous le terme ongaeshi (恩返し)? Je l’ignore. Ce texte est une façon de la remercier de sa générosité.

Mais ce que je sais, c’est que je suis choyée par mes amis japonais. On me demande souvent pourquoi j’ai été attirée par ce pays. C’est une question qui me met mal à l’aise parce que, au début, j’étais en exploration et c’est que la sonorité douce de la langue qui m’a motivée à poursuivre l’apprentissage. La bonne question à me poser serait peut-être: « Pourquoi suis-je toujours si attachée à ce pays? » Comme l’illustre bien cet exemple, c’est parce que j’aime la façon japonaise de nouer des liens et de les entretenir, avec de petites attentions, de la gentillesse et la fidélité en amitié.

Et dans un monde de relations-éclair qui se brisent aussi vite qu’elles se sont nouées, ça fait un bien fou.

1 réflexion au sujet de « Les calligraphies des Fleurs du Nord 恩返しする »

  1. Magnifique histoire! 🙂

    Les Japonais cultivent deouis des siècles l'art de vivre ET de mourir. Pour ma part, c'est ce qui me fascine chez eux : la capacité d'embrasser l'impermanence, de prendre le temps de bien faire, peu importe ce que demain apportera.

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