La campagne électorale au Québec est pleine de rebondissements et de déclarations « chaudes ». On parle de poids sans en parler, du salaire des femmes qui se contentent de peu, de crucifix et de vrai-faux Québécois et même, à ma grande surprise, des Asiatiques où le taux de décrochage est absent et où les enfants travaillent fort à l’école!
Étonnante déclaration. Qui passe par-dessus des réalités « asiatiques » moins enviables.
Le Japon par exemple, un pays qui me tient à cœur, possède le malheureux record mondial des taux de suicide. La pression commence jeune et elle se poursuit jusqu’à l’entrée à l’université, comme on peut le lire dans cet article de mon entrevue avec un journaliste du Soleil:
Le système d’éducation japonais a des effets pervers
Il existe au Japon des termes qui ne sont pas traduisibles parce qu’ils parlent d’une réalité quasi-inexistante ici. Ces phénomènes sont reliés, du moins partiellement, à la pression qu’on met sur l’enfant pour qu’il réussisse à l’école.
La kyoiku-mama: c’est une mère qui attache tellement d’importance à la réussite de son enfant que s’il ne réussit pas comme elle l’espérait, le pauvre s’imagine qu’elle ne l’aime plus. Avec des conséquences malheureuses, évidemment.
Le hikikomori: au Japon, on parle de 230 000 enfants qui s’enferment dans leur chambre pour ne plus en sortir. Ils refusent d’aller à l’école, de discuter avec leurs parents, ils s’isolent complètement dans un monde de jeux vidéos/mangas/animés…pendant quelques années. S’il y a peu de décrochage scolaire au Japon, le hikikomori en est une forme très triste qui désarme les parents.
Le freeter: un jeune qui n’a pas réussi ses examens d’entrée à l’université, ou qui sort d’une université peu reconnue et n’arrivent pas à se trouver un poste. Il accepte alors des petits contrats, qui se succèdent. Il arrivera difficilement à se sortir de ce cercle vicieux puisque les entreprises engagent principalement des jeunes finissants.
L’herbivore: un jeune homme qui vit chez ses parents et qui a un emploi. Il est particulièrement attaché à sa mère (une ex-kyoiku-maman?) et ne manifeste aucune intention de se chercher une copine (bref d’être « carnivore ») et de fonder une famille.
Finalement, je rappellerai deux choses en rapport avec l’éducation japonaise.
1. Jusqu’à son entrée à l’université, la plupart des écoles interdisent à leurs élèves de travailler, même à temps partiel. Les jeunes Japonais ne travaillent donc pas, même l’été. Ils étudient, ce qui veut dire qu’ils se consacrent uniquement à cela. Ce modèle-là, j’ai l’impression qu’il va à l’envers de ce que nos politiciens souhaitent…
2. Dans mon livre Le pari impossible des Japonaises, j’identifie les coûts de l’éducation comme un des trois obstacles au désir d’avoir un enfant. Ça coûte tellement cher d’éduquer un enfant qu’on ne peut plus en avoir… Ce n’est pas une situation qu’on veut importer ici.
Alors, importer le modèle asiatique au Québec? C’est un pensez-y-bien.