Kyûshû (3/3) – Le Daizaifu et la petite vache toutou

Pour cette 3e journée de visite, vous pensez que j’allais épargner nos petites jambes avec une journée plus mollo? On commençait tous les deux à être très fatigués. Alors on a profité de notre passage à la gare pour changer nos billets de retour : au lieu de revenir en fin d’après-midi le samedi (soit le lendemain), on partirait en fin d’avant-midi. Ça ne coûte rien de modifier une fois les billets de shinkansen. Alors, on quittera l’hôtel et on retournera tout de suite après à Kyoto pour relaxer (et faire notre lavage).
 
Alors, pour dernière journée complète à Kyûshû, il fallait en profiter! On a pris l’autobus interurbain qui nous a mené dans la ville d’à côté qui porte un nom très ancien : Daizaifu. Le port de la baie de Hakata a toujours été très fréquenté, à cause de sa proximité avec la Corée : on l’a vu hier avec mes regards vers les îles lointaines et ce sceau d’or découvert tout près… Aux environs du 7e siècle, la ville de Daizaifu était un peu le lieu d’administration de toute la région. Si l’empereur résidait à Nara, puis à Kyoto, on restait étroitement lié avec la lointaine cité de Daizaifu qui permettait les échanges économiques, mais veillait également à la défense du Japon.
 
Aujourd’hui, Daizaifu est toujours une ville, à proximité de la grande Fukuoka. On y trouve des ruines des anciens lieux de pouvoir de l’administration locale, et aussi de très vieux sanctuaires.

Kami-sama, aidez-moi à réussir mes examens!
 
Le plus important des sanctuaires est certainement le Daizaifu Tenman-gu, surtout si vous êtes un étudiant. Et comme Léo et moi sommes dans les défis constants reliés à nos études, on avait donc tout intérêt à s’arrêter là!
 
Pour ceux qui connaissent un peu Kyoto, vous avez peut-être entendu parler du sanctuaire Kitano Tenman-gu, un des emblèmes de la ville, surtout pendant la saison des pruniers. Eh bien, le Daizaifu Tenman-gu est lié au même kami, Tenjin, qui fut une personne réelle: Suguwara no Michizane (845-903), un poète et politicien de l’ère Heian.
 
Autour de 900, Suguwara no Michizane était un noble important à la cour, mais le clan Fujiwara ne l’aimait pas beaucoup. On s’arrangea donc pour que le nouvel empereur soit convaincu de sa traîtrise. Suguwara no Michizane fut exilé à Daizaifu, sur Kyûshû, où il mourra en 903. Le sanctuaire qu’on peut visiter à Daizaifu honore sa mémoire, avec un prunier qu’il aurait planté (ou qui aurait rejoint son maître en volant depuis Kyoto, c’est selon vos goûts). C’était son arbre préféré, d’où le fait que le grand sanctuaire de Kyoto est aussi rempli de pruniers.
 
L’animal emblématique de Suguwara no Michizane est le buffle, car cet animal, qui transportait son corps, aurait refusé de continuer à avancer, stoppant le cortège funéraire. Il y a donc des statues de vaches partout sur le terrain du sanctuaire.

Léo avait amené avec lui sa petite vache toutou. Le prêtre qui a tracé les caractères dans nos goshuin-chô (définition : plus bas) lui a d’ailleurs souligné que c’était l’endroit idéal pour son toutou. Léo était donc très heureux de l’avoir avec lui… On reviendra sur ce sujet essentiel tout à l’heure…

Comment cet homme rétrogradé et exilé est devenu un dieu? 
 
Après sa mort, les maladies vont tuer tour à tour les fils de l’empereur à Kyoto. Puis, la pluie ne cesse de tomber sur la capitale, provoquant des inondations, mais aussi des feux causés par la foudre. Des éclairs touchent la résidence du clan Fujiwara (ceux qui avaient comploté contre Suguwara no Michizane), tuant plusieurs membres de la famille.
 
On en conclut que l’esprit de Suguwara no Michizane est en colère et qu’il doit être apaisé. Le sanctuaire qu’on peut aujourd’hui visiter à Kyoto est construit en 930 précisément dans ce but. Tandis que celui de Daizaifu est construit là où le buffle avait cessé d’avancer.
 
Si j’aime beaucoup celui de Kyoto, je dois avouer que j’ai vraiment adoré celui de Daizaifu. Les étangs, les ponts qui les traverse, l’environnement de la montagne tout près, sont absolument magnifiques. C’est vraiment l’un des plus beaux sanctuaires que j’ai vus.

Puis on a pris la route de la montagne. Le chemin le plus récent, avec une montée lente, permet aux voitures de se rendre au sommet facilement. On était seuls à marcher, on croisait une auto à l’occasion. Léo était un peu découragé que je veuille me rendre tout en haut, il trouvait qu’avec la longue journée de la veille à Kumamoto, j’avais un peu trop d’ambitions à son goût. Mais avec un peu d’encouragements (« C’est encore loin, grand Schtroumpf? »), on a posé nos pieds sur la structure du parc Shiomi Kôen qui offre un regard à 360 degrés sur l’extraordinaire entourage de l’île. Le temps était clair, ai-je rêvé ou j’ai vraiment vu la fameuse Tsushima, au loin? Bref, j’étais très enthousiaste!

Le mythique Kamado-jinja
 
Avant de partir à Kyûshû, j’ai demandé des conseils de visite à des amies. L’une d’entre elles m’a mentionné un jinja (sanctuaire) au nom particulier : le Kamado-jinja. Il porte le nom de famille du héros du célèbre manga Demon Slayer, Tanjirô Kamado. Alors, depuis six ans, ce sanctuaire est particulier visité par les fans de la série. J’avais prévu le coup en apportant ma tunique aux couleurs du héros. J’ai fait un court vidéo pour Facebook.

Et nous sommes partis en marchant vers le sanctuaire qui est aussi dans la ville de Daizaifu, à une trentaine de minutes du Tenman-gu. Toutefois, sur l’application du cellulaire, on voit la distance, mais pas tellement les pentes. Et vous le devinez, le sanctuaire est situé au début des 829 mètres du mont Hôman, une montagne sacrée. Il a été fondé par l’empereur japonais Tenji autour de 664… Avant le fameux Tenman-gu!
 
On peut arpenter la montagne pour atteindre le pavillon qui trône au sommet. Nous nous sommes contentés du premier sanctuaire, magnifique avec sa source et ses immenses arbres. Ce doit être une merveille à l’automne, entourés par tous ces érables! Le lieu est rempli d’histoires, comme ces yamabushi dans les monts (moines ermites, mais aussi souvent les formateurs des ninjas), la pratique du yabusamé dans le coin (tir à l’arc à cheval), le pouvoir en-musubi (de créer des liens) du sanctuaire… Bref, je ne regrette pas d’avoir fait le chemin à pied, même si on a découvert au retour qu’il y avait un autobus qui s’y rendait (on est quand même revenus en marchant)!

この旅は幣も取り合へず 手向山 紅葉の錦 神のまにまに
Cette fois-ci, je suis venu les mains vides dans la montagne des offrandes
Ce tapis de feuilles colorées et ce tissu de branches reviennent aux dieux.

poème tiré du recueil Ogura Hyakunin Isshu, par Suguwara no Michizane

Mais où est la petite vache?
 
Pour le trajet de retour, on a repris l’autobus interurbain vers Fukuoka. Puis on a marché vers l’hôtel, s’arrêtant dans deux magasins pour explorer : le Tokyû Hands pour un parapluie, le BookOff pour des cartes usagées de DragonBall. Je donne beaucoup de détails, hein?
 
C’est que, le lendemain matin, en faisant les bagages, Léo réalise qu’il n’a plus sa petite vache toutou. Et il ne se souvient plus où il l’a laissée… On quitte donc l’hôtel plus tôt, Léo est plus silencieux que d’habitude, tout inquiet qu’on ne la retrouve jamais. On visite d’abord la gare d’autocar. Comme le kiosque d’informations n’est pas ouvert avant 10h, je téléphone au central dont le numéro est indiqué, mais on n’a pas de petite vache. Le monsieur arrive à 10h, il me dit d’aller au 3e étage. Pas de vache.
 
On passe au premier magasin, le Tokyû Hands. On nous indique que si c’était la veille, il faut aller au 3e. Mais il n’y a pas de vache retrouvée.
 
En désespoir de cause, on passe au BookOff. Et miracle! Ils sortent le toutou du bac à objets perdus, tout bien enveloppé dans un petit plastique transparent! La joie! La petite vache toutou pourra maintenant aller visiter le sanctuaire Tenman-gu de Kyoto!
 
Après 2h45 trajet en shinkansen, puis 20 minutes de métro, on est enfin rentrés. C’est là qu’on réalise que des habitudes se sont installées, puisqu’on s’est senti revenir chez nous quand on a ouvert la porte de l’appartement. Bonheur, soulagement et gros lavage à faire!

Avouons que c’est magnifique comme plaque d’égoûts…

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