Mais qu’est-ce que je fais au Japon, au juste?

Ici, la Golden Week débute, alors il y a du monde en ville pour cette série de jours fériés qui font pratiquement une semaine de congés pour tous les Japonais! La ville de Kyoto est une destination de choix, alors c’est devenu une aventure de cheminer à travers les touristes (japonais bien sûr, puisque les frontières sont toujours fermées). Nous, on quittera mardi pour le sud du Japon, je vous en reparlerai dans un prochain billet! Mais cette fois, je voulais répondre à une question qu’on me pose souvent : mais coudonc, Valérie, pourquoi es-tu au Japon?

Un postdoctorat, qu’est-ce que ça mange en hiver?

Avant de commencer la maîtrise, je crois que je n’avais jamais entendu le mot « postdoctorat ». Je croyais donc qu’après le doctorat (qui dure quand même 3 à 5 ans: dans mon cas 6 ans et demi), on avait atteint la fin du voyage possible des études.

Eh bien non! On peut poursuivre sa formation! Avec un postdoctorat, ou même deux ou trois, selon ses goûts! C’est une façon d’élargir sa spécialisation, en changeant de directeur, d’université et même de pays, comme c’est mon cas.

En 2019, lorsque je suis venue au Japon en octobre pour présenter les résultats de mon doctorat sur les pères québécois dans un Congrès de sociologie à Tokyo, j’en avais profité pour rencontrer en personne le spécialiste des congés de paternité au Japon. On avait collaboré dans le même livre scientifique (publié en Angleterre) sur les congés de paternité dans le monde, mais on ne s’était jamais vus. On a mangé ensemble : ce professeur habitait près de Kyoto, alors il connaissait bien, j’étais enchantée. On a jasé du français et du japonais aussi, car il a déjà étudié ma langue et il aime beaucoup les langues étrangères. Bref, ce fut une belle rencontre.

Mais quand je suis partie du Japon, je ne pensais pas encore à un postdoctorat.

Merveilleuse visite du Sanzen-in, au nord de Kyoto (à Ôhara) sous la pluie battante.

Un postdoctorat, et pourquoi pas?

La finale de mon doctorat avait été assez pénible. Je ne pensais pas me relancer dans ce type d’aventures. Mais quelques semaines après mon retour, l’idée d’une recherche s’est mise à germer.

En effet, l’une des choses les plus intéressantes dans mes résultats de thèse au Québec, c’est que même si les pères québécois sont extraordinaires, que notre congé de paternité de cinq semaines est le « nouveau normal » dans les entreprises, qu’on est de plus en plus égalitaire; quand vient le temps de prendre des semaines parentales, les rares pères qui en avaient utilisées me disaient : « Ma blonde a été gentille, elle m’en a donné quatre » ou « Elle m’a permis de prendre six mois ». Ils voyaient donc ces semaines comme appartenant à la mère, et non pas des semaines « parentales », malgré l’appellation. Ils ne sentaient pas qu’ils avaient autant de légitimité pour les prendre.

Or au Japon, les pères sont loin d’être aussi nombreux à s’arrêter à la naissance de leur enfant. Avec la pandémie, les chiffres ont augmenté un peu, mais disons que ça tourne autour de 10% pour une durée courte d’arrêt (quelques jours). Donc, la vaste majorité des pères prend peu de congés ou pas du tout.

Les recherches au Japon se sont beaucoup attardées aux causes de cette faible participation : les pères ne veulent pas déranger au travail, ils considèrent que ce n’est pas à eux de s’en occuper car la mère a quitté son emploi, ils n’ont vu personne le faire au bureau, ils n’y ont jamais pensé, etc.

Mais je voulais parler aux pères qui prennent un congé. Ces rares papas qui sont les pionniers envers et contre tout. Et mon hypothèse, c’est que, dans cette histoire, il y a la mère qui change tout. Car dans un pays où on voit encore la mère comme essentielle au bébé jusqu’à ses trois ans, son image de maman ne doit pas être si facile à assumer.

Je veux donc explorer : quelles sont les conditions qui permettent aux pères de se sentir légitime à utiliser ses congés de paternité : au travail, à la maison, personnelles? Et je veux parler aux mamans aussi : qu’est-ce qui les a menés à avoir cette ouverture à permettre au papa d’être aussi présent?

Les tulipes du jardin printanier du Jardin botanique de Kyoto

Les défis

J’ai à peine dix mois pour ma recherche. Avec plein de barrières :

  • Le japonais. Je veux réaliser mes entrevues en japonais, mais cela m’oblige à faire corriger mes questions, à faire taper mes entrevues par quelqu’un d’autre, à traduire les entrevues.
  • Trouver des parents. C’est toujours l’enjeu, surtout quand on s’installe dans un pays. J’ai heureusement des contacts, mon professeur aussi, et mon nombre de parents à trouver est petit (une douzaine).
  • Dix mois pour la recherche! C’est probablement le point le plus difficile! Là-dessus, je dois monter la recherche, lire les études sur la question (en japonais, merci Google Lens pour les résumés!), trouver les gens, faire les entrevues, traduire, analyser et écrire les articles… Ouf. À travers un Léo à l’école, les devoirs, les rattrapages…

Les cours en classe

Au début avril, je suis allée à l’université Kônan pour la première fois. C’est à Kobe, à une heure et demie de train de Kyoto. Mon prof fait l’aller-retour 3-4 fois par semaine, me disait-il. Il habite près de chez nous. C’était une journée d’accueil pour les étudiants en maîtrise, doctorat et, ben, moi au postdoc. On a tous fait une courte présentation de notre parcours. Léo m’attendait à la bibliothèque pendant ce temps-là.

Puis cette semaine, je suis allée à un séminaire donné par mon professeur. Un groupe travaille sur les congés de paternité, ce qui m’ouvre beaucoup de possibilités pour approfondir mon sujet. Il m’a proposé de faire une présentation, alors j’ai préparé mon PowerPoint en japonais et j’ai sorti mes mots-clés parce que « congé de paternité » et « politiques familiales », il faut pratiquer un peu! Il a aussi fallu que Léo s’initie à la garde après l’école, c’est un building à deux blocs du nôtre où il peut m’attendre.

Comme j’irai au séminaire tous les mercredis après-midi, je préfère qu’il soit à cet endroit spécifique pour les enfants, plutôt que de m’attendre à la maison. Kyoto subit des tremblements de terre toutes les semaines depuis notre arrivée… Alors, au cas où une urgence arriverait, je préfère qu’ils soient avec des adultes responsables qui savent comment réagir…

C’est le Japon, on ne peut pas mettre ces possibilités de côté, il faut y penser. On a aussi acheté un sac à dos d’urgence qui nous attend à la sortie, on a révisé les mesures d’urgence, etc.

Voilà, j’espère que je ne vous ai pas trop ennuyé avec ma longue description de recherche! Je suis pleinement là-dedans en ce moment, alors ça me motive à en parler! À bientôt!

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