L’amour, c’est l’amour: LGBT au Japon

J’ai vu tous les jolis messages de vœux de Saint-Valentin circuler sur les fils des réseaux sociaux, j’ai donné des becs à mes enfants et mon chum, j’ai téléphoné à mes parents, la fête de l’amour bat son plein avec ses cœurs et ses chocolats. La Saint-Valentin est sans doute la fête la plus privée de l’année, celle des mots susurrés et des sourires.

Au Japon, cette fête prend un tout autre sens cette année avec le dépôt d’une poursuite contre le gouvernement japonais par 13 couples homosexuels qui en ont assez de se faire dire qu’ils n’existent pas. Cela s’ajoute à Gemma Hickey, Canadien au passeport non genré X, qui est venu visiter le Japon, ce pays où son statut est impossible.

L’homosexualité est légale au Japon depuis 1880, mais le pays ne reconnait pas que ces couples puissent former une famille, encore vue comme une unité où il y aura des enfants. C’est ce qu’exprimait publiquement la députée Mio Sugita lorsqu’elle a affirmé que les gens LGBT sont «&#160improductifs&#160» parce qu’ils n’ont pas de descendants. Le reste de son propos donne une bonne image de l’étiquette qu’a l’homosexualité au Japon: davantage perçue comme une «&#160phase&#160» qu’expérimentent certains adolescents avant de devenir «&#160matures&#160» et d’avoir des vies «&#160normales&#160» avec une personne du sexe opposé.

Les choses bougent toutefois, doucement. Il y aurait 1 Japonais sur 11 s’identifiant comme LGBT, selon un sondage Dentsu. Ensuite, les propos de la députée Sugita ont été fortement dénoncés. De plus, des municipalités ont mis en place une forme d’union qui se rapproche des droits des couples mariés. Et finalement, la décision en janvier dernier de la Cour suprême est perçue comme un pas vers l’avant par Usui, celui qui l’a déposée, même si cette décision confirmait que pour tout changement de sexe, la personne devait avoir été opérée et stérilisée, en plus de ne pas être marié et de ne pas avoir d’enfants mineurs. Le dernier point me semble intéressant car il sous-entend que la vie avec un parent vivant une dysphorie de genre est préférable que de le voir prendre les moyens pour aller mieux… Cette confirmation de la Cour suprême (car les juges n’ont fait que confirmer ce qui existait déjà) peut être interprétée comme un léger progrès car les juges ont, pour la première fois, fait part de «&#160doutes&#160» sur ces restrictions, arguant que la société change, ce qui pourrait amener les lois à le faire aussi dans le futur. La porte reste fermée, mais la fenêtre vient de s’entrouvrir.

Les couples LGBT font les choses à leur manière pour sensibiliser les gens comme ce superbe projet d’amoureuses: Les 26 mariages à travers le monde. Vous pouvez les suivre sur Instagram 26回結婚式💐26TimesWedding. À travers une campagne de sociofinancement, les étudiantes Misato Kawasaki et Mayu Otaki expliquent en détails ce que signifie LGBT, les pays où on permet le mariage, pourquoi cela est important de reconnaître les couples de même sexe… Leur projet est de visiter les 25 pays où il est possible de se marier, de prendre des photos (et non pas de se marier 25 fois, imaginez les procédures!) et de terminer avec Taïwan où le débat est vif sur ce sujet. Je les suis sur Instagram, j’ai aussi contribué à leur campagne de sociofinancement (ce qui n’est pas facile si on ne parle pas japonais, malheureusement). Je trouve leur idée mignonne et très efficace pour attirer l’attention. De cette manière douce, je crois qu’elles réussiront à faire avancer cette cause. Car, comme le dit leur slogan, love is love. Et c’est la bonne journée pour s’en souvenir. Bonne Saint-Valentin à tous et à toutes!

Mise à jour (18 février 2019): Après un an de recherche de fonds, le projet 26回結婚式💐26TimesWedding a été annulé par les organisatrices. Il n’est pas facile de rendre réel une telle idée, mais je crois tout de même que d’y avoir investi temps et énergie aura permis de faire discuter les gens, de faire quelques pas.

4 réflexions au sujet de “L’amour, c’est l’amour: LGBT au Japon”

  1. J'ai un peu l'impression que leur fermeture face aux mariages LGBT découle de leur tolérance de longue date (parce que l'homosexualité est ptêt devenue officiellement légale en 1880, mais j'aimerais savoir – si tu as les infos – pendant combien de temps elle a été illégale et si ces lois ont été appliquées, car au Moyen-Âge on trouve de la porno gay et des cas très clairs d'homosexualité chez des samouraïs) envers la sexualité sous toutes ses formes et sa dissociation d'avec la famille. Bref, ils acceptent qu'on "s'amuse" sous forme LGBT, mais pas qu'on fonde une famille de cette manière, de la même manière qu'ils acceptent le sexe pré-marital, mais pas les filles-mères.

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  2. Oui, je pense aussi qu'avant, c'était sans doute "officiellement" illégal, mais pas appliqué. Je n'ai pas fait de recherches sur l'époque pré-Meiji, mais j'ai l'impression qu'on était plutôt ouverts à cette possibilité (il y avait des hommes geishas après tout).
    C'est en effet un paradoxe: c'est légal depuis longtemps, assez banal comme comportement. Mais ça n'entre pas dans le cadre du comportement d'un adulte. Il y a très peu de variations dans le modèle de la famille au Japon.

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